Le flic (1975)
 
Hep ! Vous là-bas ! Le gros qu'y s'barre avec le pull bleu. Non, l'autre ! Bon, tant pis.
Oui ! Je sais, j'ai l'air un peu con ! Mais l'uniforme y est pour beaucoup hein ! Non, parce que ma femme me dit toujours : " T'as signé sans réfléchir..." Et alors ? J'ai demandé aux autres, y z'ont fait pareil, hein ! Si on avait réfléchi, on n'aurait pas signé ! Faut pas nous prendre pour des cons quand même ! Remarquez, euh... On rentre pas comme ça dans la police hein ! Y a des examens et tout. On passe devant des pschy... hein ! Moi, je suis passé devant un, y m'a dit : " Combien j'ai de doigts ?". Alors les examens ! J'ai dit "J'sais pas. 15 ?". M'a dit : " C'est bon. Signez là ! Quinze ans ". J'ai eu du bol parce que j'ai dit ça au hasard. J'aurais pu avoir tout faux hein !
 
Et c'est bien l'uniforme, c'est pour draguer les gonzesses ! " Hep là-bas ! La blonde avec le gosse. Aux pieds ! Oui ? Vous avez vos papiers ? J'suis de la police. Voyons voir, Ginette... Ah, ah, ah, ah ! Joli nom Ginette. C'est votre petit frère ? Hein ? Votre fils ! Bon circulez !". Non là, c'est un mauvais exemple, mais d'habitude ça marche !
 
La police c'est trop t'ingrat comme métier. C'est vrai ! C'est t'ingrat la police, parce que par exemple... parce que j'vois, parce que les gens y nous aiment pas ! C'est con ! Parce que nous on est là pour les protéger hein ?
Vous avez remarqué les gens ? Plus y a de flics autour d'eux, plus y z'ont peur ! C'est flagrant, c'est dans les manifs. Les gens y z'ont peur parce qu'on est là ! Bon, on est obligés de taper hein ! On le fait pas pour le plaisir, hein ?... On est obligés hein ?... En plus on est obligés d'faire gaffe ! Parce que y a les fils des gradés, y z'ont les cheveux longs, on les reconnaît pas hein ! Et pis y a les appariteurs. C'est les mecs payés par la police. En civil, y cassent les carreaux et après on dit qu'c'est les étudiants, tout ça. Alors on est obligés d'faire vach'ment gaffe ! Eh ben, dis tu vois pas qu'on tap'rait sur la gueule à un flic, eh ? oh, la vache ! Oh, la crise eh !... Eh, une fois c'est arrivé ! On a tapé sur un flic ! Ah, la crise eh ! ils ont dit que c'était une bavure ! T'aurais vu la gueule de la bavure ! Moi, ça m'a fait passer l'envie de baver ! Impeccable.
 
Non, mais on est une bande de jeunes, on s'fend la gueule. J'vois parce que par exemple y a les gens y disent :   " La police c'est un refuge pour les alcooliques qu'on n'a pas voulu à la SNCF et aux PTT ". Eh ben, j'vais vous dire, franchement c'est exagéré ! Moi je vois hein, je suis pas dans un gros commissariat, mais je vois rien qu'au commissariat que j'suis, y en a au moins, que je dise pas de bêtises, y en a au moins quatre qui boivent pas ! Oh ba, c'est comme dans tous les troupeaux hein ! Y a des brebis galeuses !
 
Nous, on a Robert. C'est un grand, il est marrant ! L'autre jour, il arrive, il gueulait : " J'en ai eu un ! J'en ai eu un ! ". Il avait arrêté un mec pour état d'ivresse, qui était plus bourré que lui ! Vach'ment rare hein ! Faut dire que le mec, il en t'nait une belle ! Il l'avait amené, il était sympa, Raymond y s'app'lait, heu... Cheveux courts, moustache, charcutier, sympa. On y a payé l'coup et tout ! Alors, Robert y disait : " Mais faut pas... reste ". Alors, l'autre y disait : " Ben, justement heu, j'me dépêche de rentrer passe que vu dans l'état que j'suis... j'risquerais d'avoir un accident !". Après y z'ont fait un concours de ballons. Dis, t'aurais vu la gueule des ballons ! T'avais des couleurs qu'étaient même pas marquées dans le manuel ! C'est Robert qu'a gagné ! Ah non, mais il est balèze aux ballons hein ! Il s'entraîne. On s'fend la gueule ! L'autre jour y a un beatnik qui vient pour changer sa carte d'identité. Alors Robert y lui dit... parce que Robert y déconne tout le temps. Alors Robert y dit, euh... : " Tu m'donneras l'adresse de ton coiffeur ! ". On lui a cassé la gueule. On s'est marrés !  Ah non, mais on fait gaffe hein ! On tape avec le plat de la main. Comme ça dans les côtes. Alors ça fait ach'ment mal mais euh, ça fait pas de traces. Ah non ! Parce que on n'a pas droit aux traces. Parce que les mecs quant y z'ont des traces, y paraît qu'y peuvent porter plainte ! Remarquez, heu, y faudrait qu'y viennent au commissariat pour porter plainte. J'les plains les mecs ! Non ! Dans l'ensemble y viennent pas, on n'a pas à se plaindre.
 
Alors après, heu... On l'avait attaché à la grille. Alors Robert a été chercher sa tondeuse, parce que Robert il a une tondeuse, mais ça c'est à lui hein, c'est pas fourni. Alors, l'autre, il avait les miques, mais on lui a pas coupé les cheveux à un beatnik, et ben, il a eu un avertissement ! Ah non ! Mais on rigole pas avec ces trucs-là hein ! Parce qu'au bout de 30 avertissements, on peut avoir un blâme ! Et au bout de 30 blâmes, on passe devant un conseil de discipline et on peut être dégradé ! Robert y s'en fout, lui, il est pas gradé ! Hé ! C'est un métier où qu'on en voit quand même des drôles ! Tiens ! L'autre jour j'étais de faction à une intersection affectée à la surveillance des usagers. En clair, je bullais à un carrefour. Il arrive un mec qui tournait autour de moi avec un papelard. On aurait dit qu'y cherchait une rue ou quèque chose. Il osait pas s'adresser à moi, on aurait dit qu'il avait peur ! Voyez le genre ? Un type louche, un peu basané, voyez... Parce qu'on nous apprend à r'connaître les mecs louches, attention ! C'lui-là si vous voulez il était pas franchement louche mais était franchement basané ! Alors j'dis rien. Y s'approche, y tourne et pis, j'sentais qu'il osait pas ! Voyez, y v'nait... mais y v'nait tout doucement voyez. C'était le genre de mec patibulaire tu vois, mais presque ! Finalement y s'amène et pis y m'dit, euh... : "Pardon, missieu l'agent, s'y you pli, axecousi-moi s'y you plit. A c'que s'y you plit vous pouvi m'indiquer çui là qui li, heu... li coumissariat d'poulice al'plis proche, s'y you plit, axecousi-moi, passe qui j'y perdi mou papier d'identiti. J'voudri faire une diclaration, s'y you plit, axecousi-moi ". J'me suis dit : " toi mon p'tit gars, t'as pas la conscience tranquille ! ". J'y ai dit : " Ouais ! vous avez vos papiers ?". Il les avait pas ! J'te l'ai emmené au commissariat !